Devant nous se tient un homme au « parcours cabossé », un brusseleir qui a roulé sa bosse (et les roues de son vélo) dans les coins et recoins de Bruxelles. Sous ses airs calmes, d’homme propret, de papa réfléchi et de collègue féru d’appels à projet, Renaud cache sa part d’enfant. Pour lui, la vie est un jeu. Il a fait de ses deux passions, le sport et la culture, des terrains où l’amusement prime. « J’aime créer des mondes absurdes, proposer des systèmes qui ne tiennent pas debout et dans lesquels les enfants plongent direct ! »
Renaud, quand il évoque certaines de ses anecdotes, on pourrait presque croire qu’il joue encore, qu’il bluffe. Mais il n’y a pas de mensonges (« je sais pas mentir » dira-t-il - c’est pas le meilleur argument des gens qui trompent leur monde ça ?). Que des vérités qui tracent les traits d’un personnage haut en couleurs.
Renaud, c’est… un musicien amateur qui se retrouve à jouer du trombone sur la scène des Ardentes (au milieu de tout un orchestre, mais avec une seule et unique personne comme spectatrice) ; un étudiant licencié en kicker plutôt qu’en journalisme ; un mec qui, pour son premier job, a dû trouver des subsides destinés à payer… son propre salaire.
Mais aussi… un petit bonhomme qui a déménagé près de 15 fois en moins de 12 ans ; un gamin qui a passé le jury central parce qu’il était en plein décrochage scolaire ; un enfant qui devait subvenir à ses besoins parce que papa travaillait la nuit, et que maman devait assumer une faillite. En somme, un gamin qui a grandi trop vite.
Néanmoins, à 42 ans passé, Renaud dépeint tout cela avec tendresse. Il dit la colère, la niaque qui émanait de lui à l’adolescence, mais qu’avec le temps, il a su transformer en source d’énergie créatrice de projets. Il a été l’un des fondateurs de Muziek Publiek, coordinateur du centre culturel Jacques Franck, entraineur de ping-pong, mais aussi chauffagiste, électricien et certificateur PEB. Alors à côté de ça, son rôle au sein des Ambassadeurs,c’est presque « easy peasy ».
Et même si, vu son poste, on pourrait croire qu’il voue un culte à Excel, Airtable et autres logiciels informatiques (en plus de celui voué au Roi Philippe), il reconnait quand même que ses tâches-là « ne sont pas toujours folichonnes au quotidien ». Alors qu’est-ce qui l’anime à passer la porte du 18 Rue Joseph II tous les matins ? « L’impact sur les bénéficiaires actuels et à venir, la beauté de certains moments qui se dégagent des activités, un texte qui va me décrocher une larme lors de la finale Réciproque primaire… et puis mes collègues. C’est une asso touchante. J’ai envie de me battre pour ça, pour que ça vive. »
Quand on lui demande ce qu’on peut lui souhaiter pour demain, Renaud pense d’abord au boulot etaux associations dans lesquelles il est investi. Il exprime la volonté pour le secteur associatif tout entier de connaître l’apaisement et pour chacun·e des membres d’asbl,de pouvoir faire son travail sereinement. Et puis, quand on réitère la question en insistant sur le « oui, mais personnellement ? », alors il s’autorise à penser à lui. Ses yeux s’illuminent, un sourire se pointe et il dit : « J’aimerais me perdre à vélo. Le sport, c’est vraiment mon sas de décompression, ce qui me permet d’évacuer. » Il cite la théorie de la dérivation, relate la géographie comme un ensemble de lieux épars, évoque le temps du Covid où il passait des heures à arpenter les rues de la capitale en prenant les tangentes, les sentiers inconnus, pour faire exprès de perdre ses repères et tracer de nouveaux chemins. C’est noté Renaud, on te souhaite d’enfourcher ta bicyclette, cheveux (rasés) au vent et soleil qui te dessine des jolies marques de bras de camionneur.Renaud, vas-y : on te souhaite de dériver, allègrement !