Inssaf, au gré du vent
Elle marche comme elle navigue, elle conduit comme elle danse, elle hurle “chi - ba - fu” comme elle exalte les meilleurs sons lors d’une soirée karaoké. Arrivant à pas de loup, observant la meute avant de marquer son territoire, Inssaf Touzani sait jouer de sa part de mystère. Elle peut déformer la réalité à sa guise ou même s’auto-censurer pour ne pas dévoiler son vrai visage. Celui d’une humaine pourtant authentique, qui pour une fois, a accepté de se livrer.

Queen of the cour de récré

De l’autre côté de l’écran, bonnet noir vissé sur la tête, sweat à capuche portant la mention “Que du love” qui mêle dans sa version graphique alphabet latin et chiffres persans, Inssaf est tout sourire, pareille à elle-même. Peau mate, coeur sur la main et cheveux frisés couleur noir de jais, elle sait s’accaparer l’écran ou la scène autant qu’elle peut se faire discrète. La scène, peut-être l’endroit où elle se révèle le plus, car pour quiconque la connait un tant soit peu, Inssaf incarne le croisement entre Diams et Mickaël Jackson (si nous séparons l’homme de l’artiste, of course). Autrefois, sa scène à elle, c’était la cour de récré. Elle va même jusqu’à dire “mon royaume”. “À l’époque, en primaire, j’étais un peu la queen de l’école. J’adorais jouer au foot, j’étais la fille populaire qui ose rentrer dedans et qui de fait, inspire le respect.” Et puis viennent les humanités et là, Inssaf déchante. Fausse note. “C’était rude. J’ai débarqué dans le royaume d’autres gens, on m’a prise en grippe, et je me suis éteinte. Ça m’a ôté la voix, je ne répondais plus que de manière laconique.” Inssaf, qui assume son côté garçon manqué (on repassera sur cette expression…), commence à se chercher. “En 4ème, j’adopte le style petite fille modèle. Je mets des robes, du vernis… et tout ça par choix en plus!” Quand on lui demande si son attitude, notamment le repli sur soi et le silence, alerte l’école, elle répond: “J’avais des bons points, et pour notre système éducatif, ça veut dire que ça se passe bien. Ils n’ont pas vraiment chercher plus loin.

“Je mens” (et pas que la nuit)

Ce qu’il reste de cette époque difficile ? Une part d’auto-censure, de crainte de clamer trop fort une parole trop vraie, trop intime. Elle qui anime comme personne, qui aime l’effusion, les cris libérateurs, les jeux d’enfant, le sport, les échanges… déteste pourtant les rondes de groupe où chacun·e donne son avis, son ressenti. “J’ai été effrayée par Monia la première fois que je l’ai rencontrée parce qu’elle a capté que je mentais. C’était pas pour quelque chose d’important, mais j’ai ma pudeur. Je me suis dit “c’est une sorcière, elle lit en moi!” Le côté voyante de Monia a pourtant dû fonctionner auprès d’Inssaf parce que depuis, elle est restée parmi nous.

Issue d’une famille de quatre enfants (et ayant déjà fait entrer sa soeur et son frère dans l’asso), Inssaf est une des personnes sur lesquelles on peut réellement compter. À bord de Kenza, sa voiture au volant léopard, ou derrière la barre d’un bateau, Inssaf est incroyablement dévouée, surtout pour les missions de dernière minute. “Me demande pas de planifier une tâche six mois à l’avance, mais si demain je suis dispo et qu’il manque quelqu’un pour une animation, pour aller faire des courses ou pour aller récupérer du matos, je serai là!” Et dans ce cas-là, promis, pas de bobard: elle ne se défile pas.

La vie pour terrain de jeu et l’engagement pour dessein

Petit à petit, Inssaf s’est fait sa place chez les Ambassadeurs et l’an dernier, elle est devenue cheffe de projet pour Cascade, projet qui valorise la transition écologique “locale” en proposant à des jeunes bruxellois·e·s de 14 à 25 ans de se former à la gestion de projet dans leur quartier et de s’informer au sujet de notre avenir environnemental. Elle est aussi co-capitaine de Circé-Cabrera, l’équipe de foot mixte, et a envie de monter un projet sportif s’interrogeant sur les stéréotypes de genre, en partenariat avec une association basée en Argentine.

Diplômée en sciences économiques, Inssaf s’est lancée un nouveau “petit” défi cette année: obtenir son agrégation. Pour devenir prof l’an prochain ? “Aucune idée. Septembre 2024, c’est trop loin, je sais pas me projeter. Je ne connais ma vie que jusque juin. Après, j’irai là où le vent me porte.” S’agira-t-il d’un sirocco, d’un chergui ou d’un simoun ? Nul ne le sait, mais peu importe le souffle, Inssaf donne l’impression que rien ne lui est impossible.

toutes les actus